Entreprendre en prison




Saviez-vous qu'une voie explorée pour faciliter la réinsertion des prisonniers est l'éducation à l'entrepreneuriat ?  

Je vous propose un extrait de l'article "Entreprendre pour s’évader de la case prison" de Walid A. Nakara, paru dans The Conversation (lien en fin d'article).


Les prisons françaises ont un nouveau triste record à leur actif : selon les derniers chiffres de la Direction de l’administration pénitentiaire, 70 367 personnes étaient incarcérées au 1er avril 2018. Le chiffre le plus élevé jamais enregistré. Dans ce contexte, la réinsertion des sortants de prison est un enjeu crucial pour le bon fonctionnement de notre société. Or les pouvoirs publics sont démunis face au fléau de la récidive : 59 % des sortants de prison sont recondamnés pour des faits commis pendant les cinq années suivant leur libération.
Une action originale mais encore peu explorée en France est l’insertion par l’entrepreneuriat. Il s’agit d’accompagner les sortants de prison dans la réflexion sur l’identification d’opportunités entrepreneuriales, par exemple la création de son propre emploi en tant que micro-entrepreneur, la reprise d’entreprise, la transmission, etc. Voici l'exemple aux Etats Unis d'un programme à l’initiative du Charles Koch Institute  :


Pour les anciens détenus, s’engager dans un processus entrepreneurial présente au moins quatre aspects positifs.

1. Aider à la résilience : L’entrepreneuriat pourrait permettre aux anciens détenus de développer une forme de résilience. Ils ont en effet vécu, durant leur enfermement, dans un contexte de grande violence, encore aggravée par la surpopulation carcérale, problème de plus en plus important ces dernières années. Entreprendre pourrait constituer une voie vers la reconstruction, un moyen de dépasser les traumatismes vécus en prison.
2. Améliorer leur estime de soi : Le défi de devenir entrepreneur, une fois relevé, pourrait améliorer leur confiance en eux, leur autonomie et leur sentiment de liberté.
3. Développer l'entrepreneuriat : au-delà de ces bénéfices individuels, développer l'entrepreunariat pour les sortant de prison présente un intérêt plus large. Alors que le modèle d’insertion par l’emploi qui existe actuellement montre ses limites, la mise en place d’un programme d’aide à l’entrepreneuriat permettrait d’étoffer l’offre de formation proposée aux sortants de prison. Cette approche est d’autant plus cohérente que le contexte politique s’y prête : les pouvoirs publics encouragent en effet de plus en plus l’entrepreneuriat.
4. Redonner de la dignité : s’engager dans un processus entrepreneurial permettrait aux sortants de prison de retrouver leur réseau familial et social, et donc leur « dignité », « perdue » au moment de leur incarcération, comme en témoignent les propos d’un ancien détenu devenu entrepreneur :
« Depuis que j’ai eu mon camion à pizza, qui marche bien maintenant, je vois mon fils plus souvent […] Maintenant je peux lui offrir des cadeaux, l’emmener faire des activités […] C’est quand même plus sympa que de l’avoir sans pouvoir faire des choses ensemble […] Quand j’étais en prison je n’avais pas envie que mon fils vienne me voir comme moi avec mon père quand j’étais petit […] Là je suis bien, je vois plus de gens, je discute beaucoup avec mes clients, certains sont même devenus des amis. »
De plus la majorité des formations proposées aux sortants de prison concernent des métiers à faibles qualifications, dans des secteurs comme le bâtiment, l’entretien… Ceux-ci sont perçus comme « peu attrayants » par certains anciens détenus. Il serait intéressant par conséquent d’élargir l’offre de formation proposée et d’orienter ces personnes vers des métiers dits « d’avenir », dans les secteurs des nouvelles technologies.Cela permettrait aussi d’instaurer une certaine justice sociale en luttant contre l’« exclusion numérique ». D’autant plus que l’utilisation des outils informatiques en milieu fermé pourrait avoir des effets bénéfiques sur le comportement des détenus. Ceci pourrait ainsi apaiser le climat au sein de la prison entre détenus et personnel pénitentiaire.
Il existe malgré tout quelques obstacles à l’insertion des anciens détenus par l’entrepreneuriat. La lourdeur des démarches administratives et le manque d’information à ce sujet en font partie. Par ailleurs, certains sortants de prison, à cause de leur casier judiciaire, n’ont pas droit à certains types de financement. Or ledit financement est un élément essentiel dans la phase de démarrage d’un projet entrepreneurial. Enfin, il n’existe actuellement pas de structure ou d’interlocuteur unique vers lequel un détenu, en milieu fermé, peut s’orienter s’il souhaite se former ou obtenir des informations sur la création d’entreprises.

Source : http://theconversation.com/entreprendre-pour-sevader-de-la-case-prison-95541


 de Walid A. NakaraMontpellier Business School – UGEI