Le gène de l'entrepreneur a t-il été trouvé ?

La figure de l’entrepreneur a longtemps intrigué : serait -il différent des autres ? y aurait-il une   particularité innée qui ferait que certains réussissent là où d'autres échouent ?

Les chercheurs en entrepreneuriat ont un temps centré leurs travaux sur la recherche de traits de personnalité distinctifs. L'objectif était de pouvoir prédire, à partir d’une population donnée, les futurs entrepreneurs, afin de ne pas disperser les moyens de soutien engagés. 

 En 1935 J. A. Schumpeter s’oppose à cette approche déterministe : il met en évidence la personnalité et la fonction de l’entrepreneur. L’entrepreneur est, pour lui, celui qui introduit et conduit l’innovation. Richesse et emploi sont créés par les entrepreneurs qui ont besoin de sécurité et de liberté, d’où la nécessité de limiter l’intervention de l’Etat. Les prélèvements nécessaires doivent être supportés par les autres catégories de population qui ne savent que vendre leur force de travail, consommer, et épargner. Ce qui nécessite de démontrer de manière rigoureuse que les entrepreneurs possèdent des qualités particulières…

Effectivement, nombreuses ont été les recherches se donnant pour objectif d’apporter cette démonstration. Force est de constater qu’une grande partie de la presse française continue d’encenser l’entrepreneur en se faisant l’écho de réussites spectaculaires dues à un sixième sens, une intuition, un don…

Cependant aucune étude scientifique n’a pu établir à ce jour de caractéristique, statistiquement significative, qui permettrait de le différencier du non entrepreneur.  

Ainsi W.B. Gartner (1988) affirmait d’emblée que « la question de savoir qui est un entrepreneur est la mauvaise question ». En analysant une trentaine d’études concernant l’entrepreneur, il montrait la multiplicité des définitions utilisées et le manque d’homogénéité des échantillons : la variation d’un entrepreneur à un autre est probablement souvent plus grande qu’entre un entrepreneur et un non entrepreneur. Il concluait que l’entrepreneur dessiné par les multiples caractéristiques psychologiques étudiées dans ces recherches ne ressemblerait à rien sinon à « Monsieur Tout le monde ».

Il n’existerait aucun test pertinent mesurant la capacité d’entreprendre et il est peu probable que l’on parvienne à en trouver un jour (M. Casson,1991).  Cette question est aujourd’hui écartée définitivement, ce qui constitue en soit une avancée.

Les créateurs d’entreprise possèdent pourtant un certain nombre de caractéristiques psychologiques communes (que les non entrepreneurs peuvent également posséder !) identifiées dans les recherche en sciences de gestion (A. Fayolle, 2004) :
·         l’optimisme ;
·         l’atypisme ;
·         la flexibilité ;
·         la persévérance ;
·         la tolérance à l’ambiguïté et à l’incertitude ;
·         la confiance en soi ;
·         l’implication long terme ;
·         l’internalité (sentiment de contrôler le cours des événements) ;
·         la prise de risques modérés.

La simple lecture de ces différents traits brosse le portrait d’une personne qui s’organise plus ou moins inconsciemment pour ne pas se laisser décourager par les difficultés rencontrées ou annoncées, ce qui constitue un atout pour progresser vers le but recherché. 

Mais le créateur fait aussi preuve généralement d’un manque d’écoute envers ceux qui ne le confortent pas dans ses convictions, source d'erreurs de jugements ou de mécanismes de type cercle vicieux*...

Conclusion : point de facteur génétique, tout le monde peut un jour devenir entrepreneur, où l'est déjà à sa façon !

Bibliographie

  • Casson, M. (1991), L’entrepreneur, Paris : Economica.
  •  Fayolle, A., (2004 ), Entrepreneuriat, Apprendre à entreprendre, Paris : Dunod.
  • Gartner, W.B. (1988), « Who is an Entrepreneur ? » Is the Wrong Question, American Journal of Small Business.
  • Schumpeter, J.A. (1935), Théorie de l’évolution économique, Paris : Dalloz.
voir article à paraître sur "l'escalade de l'engagement".