J'aimerais bien créer une entreprise, mais j'ai pas de ressources !

Ah...l'argent ! c'est le nerf de la bataille entrepreneuriale, le Graal des start up qui rêvent de séduire les "venture capitalists"... Et bien je vous propose une autre vision !
Oui, nous sommes d'accord, pour entreprendre il faut bien trouver des ressources, sauf qu'en réalité si l'on étudie comment raisonnent les fondateurs des plus grandes entreprises internationales on découvre qu'ils n'ont pas commencé par le BA BA, c'est à dire la réalisation d'un business plan ! Et pourtant ils ont réussi à attirer les ressources nécessaires à la création de leur entreprise : finances, talents, idées, locaux, etc.

L'histoire commence par un renversement : au lieu de prévoir quelles étapes il faut suivre et quels moyens aller chercher pour atteindre son objectif dans un an...


...Pourquoi ne pas faire exactement l'inverse ? Ne PAS se fixer d'objectif précis dans le futur et imaginer tout ce que je peux faire à partir de mes ressources d'aujourd'hui 

La recherche en entrepreneuriat a permis de mieux comprendre le mode de pensée de ces entrepreneurs experts et conduit à une découverte intéressante. Confrontés à des niveaux d'incertitude élevés ils agissent de manière à coconstruire progressivement leur projet (donc à contrôler l'avenir plutôt que tenter de le prévoir) avec les personnes ou organisations rencontrées. Celles-ci s'impliquent jusqu'à devenir des parties prenantes du projet et apporter les ressources nécessaires.

Cette approche repose entre autres sur la CONFIANCE en soi et en les personnes rencontrées et l'OUVERTURE d'esprit afin d'accueillir toutes les critiques, propositions, évolutions, abandons d'idées. Mais elle débute également par un BILAN concret et sans concessions de ses propres ressources ainsi que de ses limites en termes de PERTES ACCEPTABLES.

Cette théorie s'appelle la théorie de l'Effectuation (son autrice : Saras Sarasvathy, la dernière doctorante de Herbert Simon, excusez du peu !) : on essaie de provoquer le plus "d'effets" possibles au départ.

Evidemment il est tout de suite plus compliqué d'accompagner un entrepreneur sur ces chemins non balisés par avance...et pour le porteur de projet il n'est pas très rassurant de ne pas être guidé dans son cheminement par des étapes normées vers un futur projet que l'on peut détailler et évaluer grâce à des ratios précis.

Cependant cette approche convient naturellement très bien aux innovateurs, mais également aux esprits pragmatiques n'ayant pas d'idée très précise pour leur projet mais une forte envie d'entreprendre. On peut en retenir que la recherche de financements n'est pas forcément la première étape d'un projet mais que les ressources limitées du départ seront abondées progressivement par les parties prenantes du projet. Il est intéressant de noter également que cette théorie qui fait la part belle aux interactions fait écho aux approches de type Lean start up, UX, Design Thinking qui prônent d'entrer en relation très tôt avec les utilisateurs potentiels pour définir avec eux le concept et le Business Model.

Attention Sarasvathy précise qu'il faut savoir aussi repasser aux modes de raisonnements plus classiques et linéaires de type plan d'affaires un peu plus tard. Il faut donc cultiver sa capacité à passer d'un mode divergent à un mode convergent...où l'on retrouve l'agilité mentale dont je vous ai déjà parlé !

Pour aller plus loin :
- vidéo 3 min par l'expert français de cette théorie, Philippe Silberzhan sur l'accompagnement des entrepreneurs avec cette approche
- l'article de recherche de référence : Sarasvathy, S. D. (2001). Causation and effectuation: Toward a theoretical shift from economic inevitability to entrepreneurial contingency. Academy of management Review26(2), 243-263.
- le livre de référence : Silberzahn, P. (2014). Effectuation: Les principes de l'entrepreneuriat pour tous. Pearson Education France.

- pour les curieux, de nombreuses ressources sur le site de Sarasvathy